Fiche 25 – Le juste temps

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Les fiches précédentes ont proposé des alternatives dans nos choix de vie afin de préserver l’environnement. Après « Tout cela a un prix ! » (fiche 24), posons nous maintenant pour écouter l’objection : « ça prend plus de temps ! » et regardons de plus près. 

Plus ou moins de temps ? 

Si l’on rentre dans la question sous cet angle, on trouvera des exemples pour illustrer les deux thèses. Par exemple, un vol Paris-Marseille : plus court ou plus long que le TGV qui met de centre- ville à centre-ville ? Un repas cuisiné à la communauté pour une soirée conviviale : plus de temps de travail ou plus de temps entre compagnons à cuisiner ensemble avant le repas ? 

Le plus urgent est de savoir s’arrêter 

Un compagnon jésuite intervenant auprès de jeunes adultes sur la Bible et la crise écologique et sociale commençait en demandant : « Pour vous quel est le plus urgent en termes de transition ? » Et aux réponses diverses (énergie, politique, consommation personnelle…) il répondait « Le plus urgent c’est de savoir s’arrêter ». C’était avant la sortie de Laudato Si’, où le pape François évoqua la « rapidación » au sujet de « l’intensification des rythmes de vie et de travail » (LS, 18). On entend parfois cette plainte : « il y a 1000 choses à faire, c’est de la folie ; je suis crevé ». Comme chrétiens, comme religieux, nous sommes aussi de notre temps, pris dans l’accélération de nos vies et de nos missions. 

Discerner notre rapport au temps 

La crise écologique vient nous interroger sur notre obsession à gagner du temps. Il faut pouvoir disposer de jalons pour sortir de nos habitudes et discerner librement notre rapport au temps : 

Mettre une limite : Avec l’impératif du shabbat, le peuple de l’alliance est invité à savoir s’arrêter, soit en souvenir de la libération de l’esclavage imposé par les cadences égyptiennes, soit en mémoire du repos que Dieu lui-même a goûté pour clore le travail créateur. Si Dieu libère en mettant une limite à l’accélération imposée, si Dieu lui-même se met une limite par amour pour sa créature libre, ne sommes-nous pas nous aussi appelés à savoir mettre une limite à notre « maîtrise » gestionnaire du temps ? 

Ajouter un critère « Laudato si’ » : Le gain mécanique de temps ne peut pas être le critère unique et prioritaire, au sens de toujours faire au plus vite. Quel est le sens de rendre un service de plus si c’est au détriment de la planète et du bien-être de l’humanité ? Quel sens à dire oui à une conférence le matin à Paris ou à Bruxelles et prendre l’avion l’après-midi pour participer à une réunion européenne à Varsovie, au lieu de voyager toute la journée en train ?

Augmenter la dose de convivialité et de contemplation dans l’action : Nous pouvons faire le choix d’avoir 15 heures de train à contempler les paysages ou à lire et nourrir notre vie spirituelle ou intellectuelle. Ainsi que le choix de faire une bonne soupe en épluchant les légumes avec nos frères, plutôt que dissoudre un sachet de poudre ; et créer ainsi un espace de conversation fraternelle propice à l’émerveillement de la mission commune. 

Entrer dans une conversion à l’écologie intégrale nous invite à revisiter notre rapport au temps. Mais comme dans tant de domaines, les « manières de faire » sont à inventer, personnellement et en communauté, en renouvelant notre regard sur les « limites » et sur ce qu’est notre « liberté » bien ordonnée. N’est ce pas là une « bonne nouvelle » ? 

By Jérôme Gué – Ecojesuit