Renforcement de la société civile et recherche académique sur la responsabilité sociétale des entreprises extractives.

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Deux évènements ont motivé une mission de terrain en République Démocratique du Congo dans le cadre du projet « Relational Peace Advocacy Network » (ci-après RPAN) de l’OCIPE à cheval sur les mois de mai et juin derniers.

Premièrement, le CEPAS, notre partenaire privilégié au Congo au sein de la triangulation Bruxelles – Kinshasa et Washington, organisait deux séminaires sur la responsabilité sociétale des entreprises extractives et deuxièmement, une équipe de trois chercheurs a collecté les informations nécessaire à une recherche académique sur les pratiques des entreprises minières au Katanga.

Les deux séminaires traitaient de la responsabilité sociétale des entreprises minières en RDC, thématique abordée sous l’angle du droit interne et des normes internationales, présentée par divers techniciens et spécialistes de terrain.

Ces ateliers ont donné lieu à des échanges fort intéressants entre la société civile, les autorités locales, des représentants d’organisations internationales et les spécialistes. Ils ont notamment permis d’illustrer le paradoxe congolais, un des rares états dotés d’une législation contraignante en terme de responsabilité sociétale des entreprises mais dont le fonctionnement du système judiciaire ne permet pas, à ce jour, d’en garantir le respect dans les faits.

La chargée de projet RPAN de l’OCIPE y présentait les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales, l’occasion de souligner l’intérêt de ce texte progressiste et les limites de son statut de « soft law ».

L’évènement lushois était aussi le premier projet et l’opportunité d’inaugurer le bureau katangais du CEPAS, désormais également présent à Lubumbashi.

Le Professeur Josep Mària SJ, de la Business School ESADE de Barcelone où il enseigne l’éthique entrepreneuriale, a conduit une recherche de terrain au Katanga en compagnie de Christian Bwenda, directeur de l’ONG environnementaliste Premi-Congo, et Emmanuelle Devuyst, chargée de plaidoyer au sein de l’OCIPE.

Cette enquête universitaire porte sur les pratiques post-Gécamines de responsabilité sociétale des entreprises extractives au Katanga et est destinée à la rédaction d’un article scientifique.

En terme de méthodologie, le point de départ de la recherche est la définition de la responsabilité sociale des entreprises retenue par la Commission européenne dans son Livre vert de 2001. Un questionnaire a été rédigé et envoyé aux compagnies minières sélectionnées préalablement, il porte sur les différents aspects de la responsabilité sociétale des entreprises: juridiques, économiques, sociaux, environnementaux et relations avec les parties prenantes.

Il leur était proposé une discussion, d’environs une heure et demi, sur base de ce document avec la possibilité de conserver l’anonymat de la compagnie, de demander la signature d’une clause de confidentialité aux chercheurs et de corriger d’éventuelles erreurs dans l’article avant sa publication.

Cinq compagnies minières, d’origines diverses mais produisant toutes du cuivre et du cobalt, ont accepté de nous rencontrer pour répondre à nos questions dans un souci de transparence. Ces entretiens ont été particulièrement instructifs sur les réalités de ces entreprises, notamment dans le contexte relativement instable du Congo et la crise économique qui touche les cours des minerais, et leurs perceptions du concept de responsabilité sociétale des entreprises.

D’autres rencontres ont complété le panel de recherches avec des représentants de la société civile congolaise, de communautés religieuses, d’ONG congolaises, de travailleurs salariés d’une compagnie, de cadres de la Gécamines, d’un parti politique et des autorités locales.

L’objectif était de croiser les informations reçues et surtout les diverses perceptions des obligations inhérentes à la responsabilité sociétale des entreprises en fonction des intervenants.

L’article étant en cours de rédaction, il est à ce stade difficile de préciser les conclusions de celui-ci mais il apparaît néanmoins clairement une évolution du « modèle Gécamines », tant dans le chef des entreprises extractives que dans celle de la population et des autorités congolaises. Cette évolution est cependant fort hétérogène en fonction des acteurs et de leur place dans la société congolaise d’aujourd’hui.

En effet, comment dépasser le modèle paternaliste de la Gécamines quand l’état n’est pas en mesure de répondre aux besoins de la population?

Par Emmanuelle Devuyst